Général :
Nom humain : Hölderlin
Prénom humain : Eléonore
Surnom posthume et explications : Ezéquiel (nom donné par son maître à Eléonore)
Age au moment du décès: 17 ans
Sexe : Masculin (post-hume)
Histoire : L’histoire contée se situe dans le Saint Empire Romain Germanique, au XIVe siècle.
Des cris d’enfants retentirent dans la pièce sombre. Des bras entourèrent le nouveau-né, et le bercèrent délicatement. Ce dernier ressentit cependant les doigts crispés de la jeune femme, et l’ambiance pesante qui régnait dans la salle. Les cris finirent par cesser, et l’on reposa alors l’enfant dans des linges propres…
Eléonore était une petite fille née dans le secret. Elle ne connut que la grande pièce sans fenêtre qu’elle ne devait quitter sous aucun prétexte. Elle ne savait pas, qu’au-delà de cette chambre, s’étendaient de longs et larges couloirs dorés, de grandes salles décorées, de beaux jardins fleuris, brillant de milles couleurs. Elle ne savait pas que son père était un grand architecte fortuné. Elle ne savait pas que l’homme dont elle portait les gènes n’avait pas même conscience de son existence. Elle ne savait pas que sa mère avait constamment peur que la précieuse petite ne se faufile hors de sa chambre, pourtant fermée à double tour…
Le couple Hölderlin était un couple de gens fortunés, à première vue banal. Le mari était présent à la maison trois mois dans l’année, passant le reste de son temps à voyager, à apprendre et à se perfectionner dans la pratique de son métier.
L’une des seules personnes que la petite Eléonore fut autorisée à voir était sa mère, une femme douce et souriante, qui venait tous les jours rendre visite à sa fille. Cette femme, pourtant, était malade. Elle était folle de jalousie pour le petit être qu’elle avait mis au monde. Depuis sa naissance, elle la regardait comme une belle poupée de porcelaine, lui brossant les cheveux, et lui passant de belles robes, mais elle l’enfermait jalousement dans cette pièce étrange, uniquement éclairée à la lumière des bougies.
Eléonore n’avait jamais réussi à parler avec sa mère. Elle avait beau lui poser toutes les questions, lui dire tous les mots, la femme se contentait de sourire sans lui répondre, regardant au-delà de la petite fille qu’elle avait devant elle, niant la vie qui était présente dans sa précieuse poupée fragile.
La deuxième personne qui était autorisée à lui rendre visite était une servante. Elle lui apprenait à lire, à parler, à ‘vivre’ comme elle le pouvait. Elle n’avait cependant pas le droit de lui parler du monde extérieur. La servante se sentait mal à l’aise dans cette grande chambre, car elle évitait le plus possible de se rapprocher de Eléonore, qu’elle aurait alors plaint et pris en pitié.
Ainsi passèrent les six premières années de la vie d’une petite fille. Le changement parut alors dans la vie de Eléonore, par l’intermédiaire de cette même servante :
Elle s’était endormie tôt, dans son grand lit à baldaquin, et une odeur vint lui piquer la gorge, la sortant du monde des rêves. Eléonore alluma une bougie, et vit que la pièce baignait dans un flot de fumée grisâtre. Il faisait chaud, et elle toussait. Se rapprochant de la porte, d’où provenait la fumée, et remarqua que cette dernière était entrouverte. Elle pouvait voir, par l’entrebâillement, les flammes s’élever dans le couloir. Eléonore se raidit, terrorisée. Elle ne savait comment réagir, et cherchait une quelconque aide autour d’elle. C’est alors qu’elle vit, derrière les flammes, la servante… Elle eut un mouvement vers elle, mais en vain. Les flammes les séparaient. Et Eléonore s’aperçut que la femme tenait en main un vieux chandelier. Sans comprendre, elle sentait la peur monter en elle, alors que la servante lui criait :
« Je fais ça pour toi ! Je vais te libérer ! Je sais très bien que jamais tu n’aurais pu sortir d’ici. J’ai essayé de t’ignorer, mais je n’ai pas pu… Je devais faire quelque chose. Tu ne peux pas vivre ainsi. Alors… Alors… »
Elle s’approcha de la petite, tendant la main vers elle, mais Eléonore recula en poussant un cri; La jeune femme s’embrasait.
Prise d’une folle terreur, l’enfant hurla et se jeta dans le feu. Elle traversa le mur brûlant les yeux fermés, effrayée à la fois par la prison de flamme et par le monde extérieur…
Elle criait, elle pleurait, elle courait… Dans sa fuite, son petit corps butait contre les murs, contre les portes. Elle crut mourir lorsque ses pieds plongèrent dans le vide, pour descendre l’escalier.
Et bientôt elle se retrouva miraculeusement dehors, alors que le reste de la maison familiale partait en lambeaux. Sa petite chemise de nuit aux manches brodées de blanc était à moitié brûlée, mais elle n’y prêtait pas attention. Pour elle, la maison, le jardin, la ruelle, la ville… Tout était semblable, tout était effrayant… Elle ne pouvait s’arrêter de courir, et elle s’évanouit bientôt, au beau milieu de la rue, épuisée moralement et physiquement.
Elle se réveilla dans un lit chaud. Tout, autour d’elle, était en piteux état. Il s’agissait d’un vieil appartement. Son cœur semblait s’être calmé. Elle ne réalisait pas ce qu’il se passait. Elle ne comprenait pas, et finalement, peut-être ne voulait elle pas comprendre.
Elle apprit qu’elle avait été ramassée par un certain Mr Helgotten. Il était horloger. Il avait eu pitié de cette petite créature, et avait décidé de la prendre sous son aile. A partir de ce moment là, Eléonore appris à connaître le monde, et travailla avec son ‘sauveur’, plaçant les pièces minuscules des montres à la bonne place, aidée de ses fins doigts d’enfant. Les relations qu’elle entretenait avec le vieux Helgotten étaient ceux de deux personnes étrangères l’une à l’autre. On aurait dit un patron et son employé. Rien de plus. En tout cas, c’était ce que laissait paraître leur relation. Eléonore, elle, s’attachait toujours plus de l’homme qui l’avait sauvé. Il était comme un père, pour elle qui ne connaissait pas vraiment le sens de ce mot. Et puis, une enfant de six ans, seule et sans famille, se doit bien de s’accrocher à la seule forme d’amour qu’elle peut atteindre.
Cependant, à l’âge de 14 ans, l’horloger décida qu’Eléonore ne lui était plus d’aucune utilité, car elle avait grandit et ses doigts n’étaient plus aussi utiles aux petits travaux. Il l’amena à l’entrée de la ville, lui donna de quoi boire et manger pour quelques jours, et la laissa partir loin de lui, sans regrets. La jeune fille lui dit un bref adieu, avant de tourner les talons. Elle l’aimait beaucoup, ce vieil homme, et ne voulait pas lui être inutile. Si elle ne lui servait vraiment plus à rien, elle préférait encore partir loin de lui.
Eléonore se retrouva ainsi sur les routes. Elle vivait de petits travaux, et voyageait, poussée par la peur de devoir s’attacher une fois de plus, à un quelconque environnement qui la rejetterait ensuite… Elle ne voulait pas oublier le vieil Helgotten, elle ne voulait pas oublier sa mère, mais plus jamais elle ne choisirait la vie paisible et la tranquillité d’un foyer. Son cœur était rapide, son sang dévalait dans ses veines avec dynamisme. Elle voulait en savoir toujours plus.
La jeune adolescente atteignit bientôt ses 17 ans… Elle avait survécu jusque là. Elle entra dans une ville, comme elle le faisait si souvent. Mais cette ville aurait dû lui rappeler des souvenirs. Elle aurait dû en être alertée. Car elle entrait à présent dans la ville qui l’avait vue naître. Mais personne, ici, ne pouvait la reconnaître. Elle fut engagée dans une écurie pour nourrir les bêtes. Et c’est au milieu du foin, et de la plus grande indifférence de tous, qu’elle mourut étouffée par les flammes qui s’étaient, une nuit, élevée dans le vieux bâtiment… Le feu reprenait finalement le dessus, après l’avoir épargnée quelques années auparavant. Elle se revoyait, petite fille dans sa robe de chambre brûlée, sauter par delà les flammes. Mais elle avait peur, à présent. Peur de sauter. Peur de se sauver.
Sa mort fut longue et douloureuse. Elle cherchait, parmi les flammes, le visage de la servante qui aurait mis le feu, sans le trouver. Quelques larmes coulèrent sur ses joues, alors qu’elle se rendait compte que jamais qui que ce soit ne l’avait attendu, derrière ce mur de flammes.
La crasse sur son visage se mêlait au foin calciné, dans un ensemble de couleurs brunes et sombres. Eléonore se recroquevilla dans un coin, en position fœtale, comme un petit enfant qui désire plus que tout se protéger du monde.
Dans son dernier sursaut, elle pensa à tous ces êtres qu’elle avait connus, et avant tout à ses parents. Finalement, elle les haïssait profondément, pour ne pas lui avoir donné d’amour. Elle regrettait de ne pas avoir pu les connaître dans de meilleures circonstances… Mais ces pensées étaient si intensément encrées en elle qu’elle ne les découvrait que maintenant. Et rien que de pouvoir sentir qu’envers eux, elle n’éprouvait pas qu’une profonde indifférence, elle se sentit soulagée…
Elle ferma les yeux, et son esprit commença son voyage, se modelant à ses dernières pensées.
Et c’est ainsi qu’elle se réveilla, sur la terre rouge et sèche de Requiem…
Des frissons parcoururent son corps nu. Elle voulut se mettre en boule à nouveau, pour conserver un minimum de chaleur, à présent qu’aucun feu ne semblait la réchauffer. Elle sentit alors deux vives douleurs dans son dos. Comme si quelque chose voulait en sortir. Elle cria de douleur, alors que deux ailes de plumes brunes venaient l’encercler. Sans se poser de questions, elle ferma les yeux sans bouger, attendant qu’il se passe quelque chose. Ses ailes l’entourait en un œuf ocre et sombre, formant autour d’elle un tout petit monde rassurant.
C’est alors qu’elle entendit des bruits de pas s’approcher. Ils se stoppèrent bientôt, remplacés par une voix masculine :
« Alors mon garçon, tu comptes rester ici encore longtemps ? »
Elle releva les yeux sans comprendre, écartant ses ailes pour voir l’inconnu. Il était grand. Si imposant… Ses cheveux noirs gominés en arrière laissaient retomber quelques mèches fines sur son visage. Ses yeux bleu clair fixèrent Eléonore, accompagnés d’un petit sourire accueillant. Il avait l’apparence d’un homme de 28 ans environ.
Eléonore l’observa quelques minutes, le regard vide, épuisée. Elle se releva, chancelante, alors que ses ailes s’étaient complètement repliées, disparaissant dans les entrailles de son dos.
L’homme passa autour d’elle une large cape pour cacher sa nudité. Mais en se relevant, Eléonore avait remarqué que son corps avait changé. Il n’était plus du tout le même. Il était… Celui d’un garçon ?! Ce fut un choc. Mais la petite subit cet état mentalement, trop exténuée pour exprimer quoi que ce fût par des gestes. Eléonore se laissa guider par l’inconnu, sans pouvoir prononcer un mot.
L’homme s’appelait Alexandre. Il avait donné à Eléonore ce que personne ne lui avait encore jamais donné : de l’intérêt. Non pas l’intérêt de sa mère pour quelqu’un qu’elle n’était pas, mais pour elle-même. La première chose qu’il fit, ce fut de lui donner une nouvelle identité, elle qui ne pouvait porter ce nom d’Eléonore en tant que garçon. Elle s’appellerait, à présent, Ezéquiel.
Il emmena le garçon dans son vieux manoir, un peu à l’écart de la ville. Il savait qu’Ezéquiel ne pourrait pas vivre ailleurs. En effet, à cette époque déjà les clans étaient très actifs en ville, et Ezéquiel ne semblait plus vouloir le perdre de vue. Le jeune homme semblait si fragile et si faible qu’il n’aurait pas survécu plus de quelques heures dans Requiem.
Alexandre, lui, se présentait comme la plus vieille entité de ce monde encore existante, et comme le souverain de la ville.
C’est ici, dans ce vieux manoir, qu’Ezéquiel naquit vraiment. Paradoxalement, il était déjà mort, mais c’était ici qu’il avait connu la douceur d’un foyer, la présence d’une famille (représentée par Alexandre), et la tranquillité. Certes il ne pouvait pas voir beaucoup de monde à par Alex, mais cela lui suffisait amplement.
Un jour, Alex lui demanda pourquoi elle s’était changée en homme. Ezéquiel lui avait simplement répondu :
« Tout autour de moi, les hommes ont toujours eu énormément de pouvoir. Pour être une femme, il fallait obéir et se taire. Alors pour une fois que j’avais le droit de choisir, j’ai voulu être libre, et être puissant. »
Alex avait ri, et l’avait pris dans ses bras, comme on l’aurait fait pour un enfant.
Dans ce monde, Ezéquiel apprit à avoir confiance en lui, à s’exprimer et à s’imposer … Ce fut dur, pour lui qui s’était toujours cantonné dans l’indifférence. Il renaissait tel un enfant, apprenant à réclamer, à dire merci… Alex lui apprit à être gentil avec les autres. Mais cela, ça ne passait pas. Il n’était gentil qu’avec son nouveau ‘père’.
Alexandre n’insista pas trop. Il savait bien qu’il était dur d’aimer des gens qui ne vous aimaient pas. Et d’un certain coté, il tirait une certaine fierté du fait qu’Ezéquiel ne veuille être gentil qu’avec lui.
Ils vécurent ainsi longtemps, très longtemps. Ezéquiel aurait fini par oublier qu’il avait un jour eu un corps féminin, si Alex ne cessait de le lui rappeler, par des petites plaisanteries par-ci par-là. Il lui demandait de ne pas oublier, car lui-même ne savait plus qui il avait été. Pour Alex, le passé était quelque chose d’important. Il annonça même, un jour, à son petit protégé :
« Bien sûr que le passé est important. Moi aussi, un jour, je ferais partie du passé. M’oublieras-tu pour autant ? »
Ezéquiel lui en avait voulu énormément, pour lui avoir dit cela. Il ne voulait pas que son Alex devienne une entité du passé. Et plusieurs semaines durant, il n’avait pas fait un sourire, comme pour punir son ‘père’ de penser ainsi.
Mais un jour, le rêve se brisa. Ezéquiel se réveilla, comme tous les matins, et ouvrit la porte de la chambre d’Alexandre. Personne. Prit d’un pressentiment lancinant, le jeune homme le chercha partout, hurlant son nom, dans le château et dans la ville, sans le trouver. Il passa plusieurs mois à le chercher en vain. Il avait disparut, tout simplement. En le laissant derrière lui, seul et inconsolable.
Il finit par se reprendre, même si ce fut long. Il habitait toujours le manoir. Ezéquiel se prit en main, et décida de succéder à Alex, en devenant l’administrateur de la ville qu’aimait tant son second père.
Il était certes un très bon organisateur, mais depuis qu’il était seul, son comportement avait commencé à changer. Au lieu de se confiner dans l’indifférence, il exagérait ses sentiments, ses expressions, poussé par le besoin de dynamiser tout ce qui l’entourait. Il fallait que rien ne reste immobile… Que rien ne disparaisse, et surtout, que rien ne soit oublié, jamais.
Il vécu ainsi, jusqu’à ce que tous les gens qui étaient morts avant lui disparaissent comme l’avait fait Alexandre. Il était devenu ‘le plus vieux’ de ce monde. Et il est encore… Et il sera encore, jusqu’à ce qu’à son tour, il laisse son esprit se dissoudre dans la brise sèche qui parcourt les rues de la ville… Requiem…
Don : Ezéquiel est passé maître dans l’art de l’illusion. Tout au long de sa vie, la petite Eléonore avait l’impression d’être tout à fait transparente. Elle ne faisait que donner l’illusion de ce qu’elle était, ne se dévoilant jamais. Elle a toujours souhaité que les autres ne voient que ce qu’elle désiraient leur montrer, rien de plus, rien de moins.
Dans sa non-vie, Ezéquiel s’est révélé avoir un don, justement, pour montrer aux autres ce qu’il voulait leur montrer. Mais à mesure qu’il existait à Requiem, son don s’est progressivement développé. A présent, ses illusions sont si parfaites qu’elles peuvent entrer en contact avec la réalité, dans une dimension réduite. Si, par exemple, il blesse quelqu’un avec l’une de ses illusions, alors la personne sera véritablement blessée…